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mardi 29 juillet 2014

Perspectives 2ème semestre 2014 : rester investi, se préparer au pire


Le troisième trimestre déjà entamé, le moment est venu de faire le point sur la situation des marchés et ce qu'il faut en attendre pour le restant de l'année. Jusqu'à présent nous avons vécu dans les grandes lignes le scénario envisagé en début d'année (http://buy-point.blogspot.ch/2014/01/bourses-perspectives-2014.html ), y compris un environnement toujours difficile pour la gestion alternative en général, les hedge funds, mais en particulier les stratégies de trading http://buy-point.blogspot.ch/2014/01/markets-2014-shaping-up-to-be-difficult.html. En fait il s'agit de l'environnement le plus ennuyeux qui puisse exister, et comme communiqué plus tôt dans l'année, dans de tels marchés, le choix le plus simple est d'être modérément exposé aux marchés d'actions (exposition équilibrée) tant que la tendance haussière de fond perdure, et demeurer assez inactif quant il s'agit de paris tactiques ou paris macro sur anticipation de tendances  majeures à venir. Exposition modérée car comme nous allons le voir, il y a beaucoup de signaux de dangers, en fait on peut dire que l'on peut voir à peu près tous les signes précurseurs d'un nouveau krach, et sans doute d'une nouvelle crise, mais il n'y a pour l'instant pas de catalyseur et l'expérience, les conditions monétaires actuelles absolument exceptionnelles ainsi que certains signaux contraires, nous disent de ne pas agir avec empressement face à ces risques.

Ces derniers mois, la volatilité dans le sens des mouvements journaliers (ATR : Average True Range) et hebdomadaires est devenue extrêmement faible sur beaucoup de marchés. En même temps, on a pu observer beaucoup de brusques revirements après des tendances qui semblaient se développer. Même si pour certains participants il y a toujours des opportunités, ces conditions constituent un environnement très difficile pour profiter de mouvements à court et moyen terme. Si l'on prend l'exemple des marchés des changes, on a pu observer le calme plat sur des devises comme le yen ou le dollar australien  (vs US dollar).  La volatilité implicite sur les marchés d'actions et obligataires a aussi récemment été proche de plus bas historiques et la torpeur générale frappe également les marchés d'actions, avec quelques exceptions comme les bourses des pays du sud de l'Europe qui ont récemment souffert (suite à un nouvel épisode de panique bancaire au Portugal cette fois avec Banco Espirito Santo) et la bourse américaine qui continue sa graduelle ascension (un comportement pas tout à fait inhabituel de mai à la mi juillet, "marasme estival" peut signifier ascension lente et monotone). Il faut noter, en préambule, que de telles périodes de contraction du range se soldent presque toujours par des breakouts de volatilité, jargon de trader signifiant une explosion des cours dans un sens ou dans l'autre.    

Le climat d'insouciance n'est pas entamé


Les marchés demeurent soutenus par les politiques des banques centrales; la perspective d'un resserrement des taux de la Fed s'est rapprochée bien que la Fed de Yellen se soit évertuée à communiquer que les taux resteront à des niveaux très bas pour longtemps, et les nouvelles mesures extraordinaires discutées par la BCE ont joué leur rôle dans le climat d'insouciance généralisée. La BCE a cédé sous les pressions qui venaient de toutes parts, en particulier du FMI, pour se préparer elle aussi à se lancer dans la grande expérience de la détente quantitative. Mais en fin de compte, ces mesures sont une conséquence directe de la folle politique de la Réserve Fédérale qui  lança en septembre 2012 un troisième plan de rachats de bons du Trésor et de MBS, "pour soutenir l'économie et lutter contre le chômage" et qui s'est ensuite trouvée en 2013 en grande difficulté lorsqu'il fallait communiquer la fin de ce programme de soutien artificiel aux marchés. La banque centrale américaine peinant à normaliser sa politique monétaire, et les vues très accommodantes de Yellen ont maintenu le cours de l'euro à des niveaux plus élevés que désirés par les décideurs et l'industrie en Europe. Cet euro fort a aussi contribué à faire chuter plus encore l'inflation, ce dernier développement fournit à la BCE les raisons pour un assouplissement quantitatif. Comme au début des années 2000, la BCE est forcée de suivre la voie empruntée par la Fed avec les mêmes effets secondaires.La bulle est maintenant dans le high yield.      

Sur le graphique ci-dessous on peut clairement voir l'effet qu'ont eu les 3 périodes d'assouplissement quantitatif sur le S&P 500. La plupart des chartistes seront de l'avis que l'effet QE s'est traduit par une courbe des cours dont les mouvements n'ont rien de naturel. Et quiconque suit la bourse de près ou de loin sait intuitivement que son évolution n'a pas été normale depuis 2009. Je pense que les objectifs de la Fed avec son 3ème QE furent outre de maintenir les taux longs déprimés, d'asseoir la reprise de l'économie à long terme et de lutter contre le chômage (officiellement, la principale raison afin de légitimer cette monétisation continue de la dette de plus en plus controversée), ceci indirectement en propulsant le S&P 500 et le Dow Jones à des niveaux records, pour déclencher un cycle vertueux de confiance. Yellen a admis que faire remonter la bourse était l'un des objectifs de la Fed et depuis Greenspan sous lequel elle a servi dans les années 90, "l'effet richesse" et la bourse sont devenus des préoccupations prépondérantes au sein de la Fed (ouvrant ainsi l'ère du welfare pour l'oligarchie financière).



Graphique par Worden Brothers

Cependant ce que la Fed a surtout accompli avec QE 3, c'est enrichir les actionnaires et  certains hedge fund managers, tout en lançant cette économie de bulles vers la phase finale de l'implosion. Et renverser la vapeur est devenu très difficile (Yellen a récemment insisté sur le fait qu'elle favorisait une approche prudentielle de la gestion des excès spéculatifs plutôt que les outils de politique monétaire, de quoi s'inquiéter ). Quant à son objectif de réduire le chômage, celui-ci a en effet fortement baissé grâce surtout à la création d'emplois précaires, mais la participation à la population active a  également chuté à un niveau (62,8%) plus observé depuis la fin des années 70 indiquant que cette baisse du taux de chômage est aussi due au fait que bien des chômeurs ne cherchent plus d'emploi !





Obama :  l'objectif de la Fed est de "réduire le chômage de longue durée et le chômage des jeunes "




Les salariés ont aussi vu leur revenu stagner. Lorsque le taux de chômage-cible de la Fed fut en vue, Yellen s'est bien vite empressée de renier le niveau-clé établi par Bernanke  pour initier une normalisation des taux. Elle a déclaré vouloir faire plus pour améliorer la situation du chômage et avoir recours désormais à un large ensemble d'indicateurs, tenant compte notamment du total des sans-emplois. La réalité est que la Fed ne peut rien faire ou infiniment peu à ce stade pour venir en aide aux chômeurs de longue durée (il s'agit d'un problème que seuls les politiques peuvent régler), mais ce prétexte permet d'éviter de relever les taux tout de suite et de risquer une panique sur les marchés. 
  
La Fed est engagée dans une bataille contre les sceptiques , il lui faut continuer de soutenir les marchés à bout de bras en espérant que ce cycle vertueux de confiance à long terme qu'elle attend se mette en place avec le retour d'une croissance solide, plus d'investissement et de création d'emplois par les entreprises . Autrement dit atteindre "escape velocity", pour reprendre les termes de géophysique du Gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney . Entre parenthèses, les économistes, surtout dans le secteur public et le milieu académique, et donc les banquiers centraux, aiment penser qu'ils sont des scientifiques. Admettons une seconde qu'ils le soient, il semble que l'on pourrait faire un parallèle entre les banquiers centraux d'aujourd'hui et les scientifiques du Projet Manhattan à Los Alamos de 1942 à 1946 . Comme ces derniers, les banquiers centraux ont la conviction qu'une mission de toute première importance, à caractère historique, leur a été conférée, ils ont une cause à défendre ("le bien contre le mal"), ils voient des risques - grandement exagérés - de ne pas agir, ils ont des théories à tester grandeur nature, ils ont de l'égo et de la curiosité scientifique à revendre, ils n'ont aucune idée des conséquences à long terme de leurs folles et inéthiques expérimentations. Et derrière ces esprits de génie, pour tirer les ficelles, se trouvent des politiciens et des groupes d'intérêts. 

 Il semble que l'on pourrait faire un parallèle entre les banquiers centraux d'aujourd'hui et les scientifiques du Projet Manhattan à Los Alamos de 1942 à 1946 . Comme ces derniers, ils ont la conviction qu' une mission de toute première importance, à caractère historique, leur a été conférée, ils ont une cause à défendre ("le bien contre le mal"), ils voient des risques - grandement exagérés - de ne pas agir, ils ont des théories à tester grandeur nature, ils ont de l'égo et de la curiosité scientifique à revendre, ils n'ont aucune idée des conséquences à long terme de leurs folles et inéthiques expérimentations. Et derrière ces esprits de génie, pour tirer les ficelles, se trouvent des politiciens et des groupes d'intérêts. 

La prochaine catastrophe


Entre-temps, les signes que les marchés sont à la merci de nouvelles dislocations suite à des années d'excès encouragés par les taux à zéro et les planches à billets, abondent .

- Sur la bourse, un certain nombre de high flyers montrent des signes que leur gigantesque hausse ces dernières années pourrait se terminer abruptement. De plus, beaucoup de leaders, ces actions momentum, des 18 mois passés, ont aussi sous-performé et ce n'est pas un bon signe. 


Graphique par Worden Brothers
- Le VIX est tombé à un plus bas sur plusieurs années le mois passé. Cette mesure de la volatilité implicite des options (et donc de la peur) sur le S&P 500 fit la même chose début 2007.



Graphique par Worden Brothers

- Au niveau des indicateurs de sentiment, les récentes données du sondage de Investors Intelligence (opinion des auteurs-gourous de newsletters) montrent que les gourous sont les plus optimistes depuis … 1987 ! Contrairement à ce que l'on entend constamment sur les chaînes financières, l'investisseur particulier n'est pas resté inactif durant le rally de ces deux dernières années, il est revenu en bourse comme mon expérience anecdotique l'indique aussi (voir message du mois de mai).  Les chiffres des courtiers en ligne américains montrent un record historique de transactions journalières, les petits investisseurs chez TD Ameritrade, Schwab et Etrade, font désormais 1 million de transactions par jour !  Une récente étude de BofA ML indique aussi que le niveau d'exposition à la bourse des HNWI (particuliers les plus riches) est à un plus haut de 6 ans. Fin juin, la moyenne mobile à 10 jours (MM10)du ratio de Put/Call (equity only) du CBOE est passée sous 0.50 . Elle a fortement remonté depuis, mais une MM de P/C qui est en tendance haussière signale danger en vue.        

- La part de liquidités détenue par les fonds de placements aux USA est proche de plus bas records .

- La part d'IPO (introductions en bourse) qui n'ont aucun bénéfice au compte de résultat est proche du niveau atteint en l'an 2000 !   

- La capitalisation boursière des actions américaines rapportée au PIB, à 1,27 fois le PIB, excède le niveau de 2007 (1,15).




- Le ratio fortune/revenu des ménages US (5,6 ) est proche du niveau de 2006, et bien plus haut qu'en l'an 2000. 

- Le niveau des profits des entreprises rapporté au PIB est à un record .

-Le niveau d'endettement des entreprises à 4% rapporté au PIB est proche du record historique comme en 1999 et comme en 2007. Selon Andrew Lapthorne de SocGen, la dette totale (nette) des entreprises US a atteint le record de 2 300 milliards de dollars (et en hausse de 14% sur un an). Les analystes nous disent que les entreprises du S&P 500 par exemple, sont gorgées de liquidités mais lorsqu'on retire les Microsoft, Cisco, Apple et Google des calculs, leur position est bien moins solide.  Les liquidités chez beaucoup d'entreprises américaines  sont conservées à l'étranger pour éviter la taxation lors du  rapatriement. Apple en particulier est une championne dans le domaine, et comme Google et Amazon une des entreprises les moins fiscalement éthiques. Les actionnaires demandant un retour de ce cash, les entreprises ont eu tendance à emprunter pour distribuer des dividendes et racheter leurs actions pour booster le BPA. Ainsi selon S&P, entre 2011 et 2014, dans  l'ensemble des 1700 entreprises notées par S&P,  pour chaque dollar supplémentaire de liquidités, la dette a augmenté de $3.67. Selon S&P, sans l'accès à la dette ultra bon marché de ces dernières années, les actionnaires n'auraient pu obtenir les rentabilités que l'on a connues. 

Car ce phénomène est l'autre facteur de soutien artificiel à la bourse de ces dernières années, en effet, la croissance des bénéfices - ils ont doublé aux USA depuis le creux de 2009 -  a été très tributaire de ces rachats d'actions, alors que la croissance des ventes a été bien plus faible –surtout depuis 2012 - et plutôt décevante. Un exemple frappant  c'est IBM dont les ventes ont essentiellement stagné depuis plusieurs années mais qui a gonflé son BPA par de faramineux programmes de rachats d'actions. Malgré cela, et un modèle d'affaires qui n'est plus très prometteur, l'action IBM a augmenté de près de 50% depuis 2010 (et son sommet précédent de 1999), l'action est proche de plus hauts historiques.  Le niveau des rachats d'actions sur les bourses américaines est au niveau atteint en 2007, juste avant le krach.


- L'orgie de dette bon marché a conduit à une bulle dans le segment des obligations high yield. Deux mille milliards de dollars, c'est la valeur de la dette high yield telle que représentée par le BofA ML Global High Yield Index, celle-ci a doublé en seulement 4 ans, alors qu'il fallut 12 ans pour atteindre 1000 milliards d'émissions depuis la création de l'indice en 1997. Les "no covenant loans" fréquents en 2006-2007 ont fait leur grand retour. Les taux étant artificiellement déprimés, pour obtenir un rendement satisfaisant,  les investisseurs sont poussés à prêter à n'importe quel état, n'importe quelle entreprise , sans conditions particulières, même aux plus douteux d'entre eux : la Grèce et ses entreprises, l'Equateur (qui fit défaut il y a quelques années), des entreprises comme Clear Channel Communications dont le rating indique un très probable défaut …  Les rendements des obligations des PIIGS, à des sommets début 2012, sont aujourd'hui à des niveaux anormalement bas. Les paroles de Draghi ont peut-être sauvé certains états de l'étau des intérêts et d'une sortie catastrophique de l'euro, mais elles ont aussi conduit à un climat d'insouciance chez les politiciens de l'UE (les réformes se font attendre) et à une répression financière en bonne et due forme. 




La conviction que les politiques monétaires de taux bas "pour longtemps" sauveront les pires émetteurs du défaut est derrière la ruée sur le high yield. Mais les experts du high yield le reconnaissent : quand le tournant se produira, il faut s'attendre à une catastrophe. Les banques qui sont les teneurs de marché ont, pour réduire leur risque, réduit leurs stocks de titres et leur capacité d'absorption, les ETF ont joué un rôle de plus en plus important sur ce marché. A qui les investisseurs revendront-ils lors de la prochaine panique ? Il n'y aura aucune liquidité.      

 -Le marché de l'art est à nouveau en plein boom et les prix atteints aux enchères défient toujours plus la raison. L'action de Sotheby's était en début d'année proche d'un cours record, comme dans les mois qui précédèrent les krachs du passé.  

- L'immobilier aux USA et en Grande-Bretagne a été à nouveau en proie à une bulle spéculative. Mais récemment, les perspectives (ventes notamment) se sont dégradées aux Etats-Unis. En France et en Belgique comme dans d'autres pays d'Europe touchés par le phénomène, la bulle semble avoir passé le stade terminal. Mon avis était que le rebond aux USA était artificiel et temporaire, un sursaut naturel après le grand krach qui fut boosté par la politique de la Fed (rachats de MBS) et les investissement spéculatifs du private equity (qui ont exclu du marché beaucoup de primo-accédants tout en conduisant à une forte hausse des loyers notamment pour les plus démunis). Robert Shiller co-créateur du Case-Shiller Index pense aussi que l'immobilier US est à nouveau une bulle spéculative … 


- Les rangs des bears à long terme ne font que grossir, avec des personnalités dont le jugement n'a pas souvent été pris en défaut historiquement, Robert Shiller, Jeremy Grantham . Les plus respectés des pessimistes notoires, ont vu, ces deux dernières années, la bourse défier les lois de la gravitation et leurs prédictions s'avérer incorrectes, mais on est toujours trop précoce en anticipant un krach. Les trimestres en hausse se suivent et se ressemblent, mais les bears ne font que s'approcher du jour de leur revanche…    
  
En ce qui concerne les valorisations, le CAPE de Shiller (26, médiane :16) n'a été que trois fois auparavant plus élevé : en 1929, en 2000 et en 2007. Le ratio Q de Tobin ( capitalisation vs coût de remplacement), supérieur à 1 et très supérieur à 2007 , indique aussi un marché en territoire de surévaluation.  Le PE du S&P (TTM = 12 mois passé) est à 18.5, et 15.24 (à un an) sur base des résultats d'exploitation. Cette mesure standard de valorisation basée sur les chiffres plus favorables d'exploitation, continue elle aussi de grimper lentement. Nous sommes aujourd'hui à des niveaux égaux ou légèrement supérieurs par rapport à 2007 pour le PE forward des S&P 500, S&P 400 (Mid Caps) et S&P 600 (Small Caps).  


A quoi s'attendre pour le restant de l'année ?


Les économistes et analystes s'attendent à un regain de croissance tant pour l'économie que pour les bénéfices en deuxième partie d'année. Aux Etats-Unis, la croissance en baisse de 2,9% au 1er trimestre, officiellement pour cause de mauvaise météo hivernale, devrait rebondir ce trimestre passé pour donner une croissance à peu près nulle en première moitié d'année (chiffres attendus ce mercredi à un consensus de 3,1%) . Pour l'année, la croissance est attendue à 2%. La croissance des profits du S&P 500 est estimée supérieure à 6% pour le second trimestre (si l'on exclut les résultats de Citigroup impactés par le paiement de dommages). La croissance des ventes est prévue aux alentours de 3%. Cette semaine sera encore chargée en résultats, après quoi 60% des entreprises du S&P auront présenté leurs chiffres. Jusqu'à présent, les résultats ont été supérieurs aux attentes en général (68% beats vs moyenne long terme de 63%, évidemment les entreprises battent les estimations le plus souvent, car, on le sait, ces dernières sont "gérées" pour créer de bonnes plutôt que de mauvaises surprises). 

En Europe, la croissance reste anémique (0,2% pour la zone euro au trim. 1 ), l'Allemagne étant le principal contributeur, la France sans croissance significative, l'Italie,le Portugal et même les Pays-Bas, se contractant au premier trimestre. Sans surprise, la croissance des bénéfices a aussi été anémique au premier trimestre mais devrait rebondir ce trimestre ( +12% en var. sur 12 mois) et pour l'année entière à + 7%. A noter que la croissance des ventes est aussi nulle (-1% comme trim 1).  Le PE (à un an) du Stoxx 600 s'établit à 14.3 (chiffres Thomson Reuters). Les chiffres récents de l'économie ont toutefois été décevants, les indicateurs du climat des affaires s'étant déteriorés, la production industrielle aussi. 

Il nous semble que les attentes des investisseurs qui tablent sur un fort rebond de l'économie et des bénéfices en deuxième partie de l'année pourraient en cas de déception constituer le contexte fondamental  venant s'adosser au contexte technique que nous avons pu, ces dernières semaines, observer.  Le scénario que nous avons privilégié depuis quelques mois est en effet celui d'une année à peu près inchangée ou médiocre sur la plupart des marchés développés. Ceci est en accord avec le cycle présidentiel (médiocre année de mi-mandat) Et le krach ? Celui-ci est une quasi-certitude aujourd'hui, on ne pourra plus dire que l'on n'a pas été prévenu, que ces évènements sont imprévisibles et impossibles à anticiper, même les acteurs du secteur financier généralement rassurants, deviennent de plus en plus cyniques à ce sujet. Presque tout le monde le reconnaît, nous sommes depuis 5 ans dans un grand jeu de chaises musicales. Il faut jouer au jeu des banquiers centraux, mais aurez-vous une chaise quand la musique de Janet Yellen stoppera ?  Les seules questions sont : quand le krach va-t-il se produire, et quelle sera l'ampleur de la chute ? 25%, 30%, 40% ?  Plus longtemps se poursuit l'ascension actuelle à New York, plus dure sera la chute. La Fed devrait sans doute normaliser sa politique au plus vite, sans s'inquiéter d'un krach et peut-être aurions nous alors une chute de 20-30% qui sera vite oubliée après quelques années. Mais si l'on étudie la carrière et les idées de Janet Yellen, on se rendra compte qu'un tel scénario est peu probable. Le scénario d'une Fed ne normalisant pas sa politique, et celui d'une catastrophe, nous semble plus probable.     
   

It's time for market timing 

Un système très simple de market timing pourrait consister à commencer à acheter quelques mois après que la Fed ait commencé à baisser agressivement le taux des Fed funds, et à commencer à vendre quelques mois après qu'elle commence à remonter son taux directeur, particulièrement si le taux de Fed funds remonte rapidement et si la courbe des taux commence à s'inverser (ex. : 1987, 2000). Historiquement, la validité d'un tel système a été démontrée. Selon un tel système et selon ce que la Présidente de la Fed nous dit, il faudrait commencer à vendre en 2015 et l'année prochaine pourrait être l'année du krach. La plupart des krachs sont en effet causés par la Réserve Fédérale lorsqu'elle se met à remonter ses taux (maintenant vous connaissez l'essentiel des crises économiques; la Fed sème les graines des crises en encourageant la spéculation, puis fournit généralement l'élément déclencheur quand elle est forcée de rehausser les Fed funds) .

Cependant, des facteurs cycliques travaillent à l'encontre de ce scénario d'un krach en 2015. L'année prochaine sera une année précédant une élection présidentielle, c'est la meilleure année du cycle. C'est aussi une année terminant par 5, et depuis 130 ans aucune année se terminant par 5 n'a été en baisse ! Le krach pourrait-il se produire cette année ?
Certains commentateurs ont averti que 2014 pourrait se terminer par un krach comme celui de 1987. Le krach lorsqu'il se  produira sera sans doute en effet comme celui de 1987, il se produira tellement vite que le monde entier sera stupéfié, sous le choc, alors que beaucoup, même les bears, auront relâché leur attention. Seuls les investisseurs ayant la discipline de suivre un système technique pourront peut-être y échapper.  Si le krach devait se produire cette année, pour que celui-ci ait à coup sûr des conséquences à long terme et ne soit pas juste une très effrayante correction des cours, il faudrait qu'il anéantisse les gains de 2013. Je pense que ce scénario est peu probable, et signifierait alors que de terribles évènements se produiront dans les mois qui viennent.  

En conclusion, les investisseurs et les épargnants  ont énormément de raisons de s'inquiéter mais le grand jeu de chaises musicales continue, et à condition d'avoir 5 ans ou plus devant soi avant la retraite,  à condition d'être préparé, à condition d'avoir intégré dans son approche d'investissement un système de market timing, nous recommandons de demeurer investi de manière significative en actions, tout en étant bien sûr diversifié dans d'autres classes d'actifs. Car il y a aussi quelques  éléments nous indiquant que peut-être le krach ou méga krach tant attendu, pourrait se faire attendre encore longtemps.

Par exemple, la vigueur récente des bourses des pays émergents, est en forte contradiction avec le scénario d'une crise et krach dans les prochains mois. Le Shanghai Composite Index a même explosé à la hausse ces derniers jours, alors qu'une consolidation des cours, signe d'un retournement potentiel, commençait à attirer notre attention (nous venons en fait d'initier une position). De même, plusieurs indices en Europe sont dans une consolidation sur les graphiques mensuels, indiquant à l'analyste technique qu'une continuation de l'avancée de l'année passée, soit cette année encore ou en 2015,  doit être sérieusement envisagée. Et les actions momentum qui ont sous-performé pendant un temps ont ces derniers jours repris du poil de la bête (ex. Facebook récemment ajouté aux portefeuilles plus agressifs). Même l'action Twitter, récemment tombée au fond des oubliettes, est ce mardi soir en très forte hausse après ses résultats !  Il faudra voir si ces signes de vigueur du marché se confirment à court terme. Cette semaine sera l'une des plus chargées de l'été en terme de nouvelles économiques, réunion de la Fed et chiffres du PIB américain ce mercredi, chiffres du chômage vendredi. Avec la fin du mois, ceci crée le potentiel  pour une poussée de volatilité.  




  Graphique par Worden Brothers
  Shanghai Index : La consolidation avant le breakout 



Je réitère donc le constat fait au début de l'année pour justifier une exposition significative à la bourse, nous vivons une époque extraordinaire, une ère de folie des banques centrales, une ère de folie tout court. Presque tout est possible dans cet environnement avant le prochain grand krach, y compris le scénario que j'appellerai "hyperinflation des actifs" qui sera bien sûr accompagné d'inflation au niveau des prix à la consommation. Les inquiétudes quant à l'inflation sont d'ailleurs à nouveau une préoccupation des investisseurs. Il semble en effet que la Fed de Yellen n'anticipera pas suffisamment tôt la remontée de l'inflation. Les tensions géopolitiques deviennent aussi de plus en plus effrayantes (Ukraine/Russie, Chine/Japon, Moyen-Orient). Celles-ci se sont développées dans un climat économique bénin et il faut se demander où nous en serons en cas de nouvelle crise . Des guerres majeures deviennent de plus en plus probables dans les 10 prochaines années, ceci alors que le monde se remémore l'entrée en guerre des nations en 1914. L' abomination la plus insensée du genre humain dont nous vivons encore les conséquences aujourd'hui , car en quelque sorte nos problèmes actuels ont aussi trait à l'abandon de l'étalon or qui permit non seulement 14-18 et les guerres qui ont suivi mais toutes les  dépenses publiques incontrôlées. Peut-être les investisseurs et les épargnants doivent-ils non seulement se préparer à un krach, mais aussi se mettre à prier !